en lisant un texte de jacqueline de Romilly [la Grèce antique à la découverte de la liberté] j’ai eu envie d’écrire un peu sur le concept de liberté. Les Grecs à qui nous devons tant, en tant qu’Européens vivant en démocratie, ayant acquis certains droits, exerçant certaines libertés. Les Athéniens, surtout, on forgé ce concept, en partie contre les Perses et les Spartiates, défendant pour leur part, la tyrannie.

Diviser pour mieux régner.

Aujourd’hui, c’est la guerre des A contre les B. Tu dois choisir si tu es A ou B. celui qui était ton frère, ton ami, heir encore, est désormais contre toi, dans l’autre camp/ Tu dois laisser là tes sentiments, tes intuitions, tes habitudes, tes préférences. Devenir un rouage d’une des machines de guerre contre l’autre, sinon tu seras victime des deux. Tu dois choisir un camp. Te soumettre à la guerre, rentrer dans le jeu. Sinon, tu n’es qu’un esclave, une femme, un animal, un être sans voix. Il te faut mépriser tout cela pour devenir un soldat dans un camp contre l’autre camp.

Pour les Grecs, tu es libre si tu n’es pas un esclave, une femme ou un animal. Si tu perds la guerre, tu deviens esclave du vainqueur, ta femme devient elle aussi esclave du vainqueur, ainsi que toutes les femmes qui te sont attachées, et tu perds ton droit de parole. La raison du plus fort est ici toujours la meilleure. On retrouve un peu cette idée chez Machiavel pour qui force et vertu se confondent presque. La parole est un glaive. Tout n’est que lutte permanente et la liberté des uns se gagne contre celle des autres, vaincus, privés de droits.

On pourrait, à l’inverse, penser que la parole qui représenterait le mieux l’intérêt général serait neutre, détachée de tout partisianisme et non celle qui viserait à défendre ou abolir les privilèges ou droits de tel ou tel groupe. Et l’on voudrait énoncer là que la parole ne pourrait être dite « libre » seulement lorsqu’elle n’est pas liée à la défense de certains intérêts personnels ou de groupe. On peut avoir le sentiment qu’une élite cherche plutôt à maintenir le peuple sous domination, gagnant sa liberté et ses privilèges en maintenant le peuple dans l’incapacité de parler – ce de plusieurs façons : en le noyant sous un flot d’informations qui ne le concernent pas et sur lesquelles il ne peut agir ni vérifier ; en le maintenant occupé par le travail (et le surendettement) et des obligations qui ne lui laissent pas le temps de penser ; en le faisant tomber dans l’illégalité à des degrés plus ou moins élevés pour le disqualifier et le priver de ses droits. On peut, à l’inverse commettre légalement certains délits et crimes (vols, spoliations ou autres) si l’on est du « bon côté » de la loi et que ceux contre qui on les exerce sont visiblement du mauvais.

La loi n’est pas la même pour tous. Par exemple, le policier en service peut commettre des actes qui seraient normalement qualifiés de crimes. Autre exemple, l’entreprise CocaCola achète légalement des tonnes de feuilles de coca. Et il semble douteux qu’ils détruisent les principes actifs de la cocaïne qu’ils soustraient de leur boisson populaire alors que le stock de cocaïne pure ainsi obtenue pourrait valoir des millions voire des milliards de dollars.

Autre thèse : plus on monte dans la hiérarchie d’une organisation, plus on devient inconsciemment le ventriloque de l’organisation : là non plus, point de parole libre, sauf à s’imaginer virtuellement en capacité de se désolidariser de l’organisation et de la critiquer. D’un autre côté, on peut entendre une autre voix dire que les politiques d’allocations sociales sont faites pour maintenir ou réduire au silence les opposants potentiels. Que dire aussi bien des postes parfois très grassement rémunérés offerts à des « amis » par certains élus ou hauts fonctionnaires, qui sont peut-être aussi le prix d’un silence. Revoir « manufacturing consent » de  Chomsky ? On réduit la liberté à un choix pensé par les experts du marketing y compris politique entre quelques étiquettes devenues contenu.

On discrédite les personnes pour ne jamais répondre aux arguments. Petites phrases et scandales recouvrent l’actualité legislative et l’activité legislatrice, et éludent tout débat d’idées argumentées, toute confrontation prospective reposant sur une vision ou un idéal. Celui-ci est cantonné dans le monde onirique du spectacle de divertissement, opposé définitivement au sacro-saint principe de réalité.

Je ne suis pas si sûr que c’est moi qui délire.

Oeuvrer pour la paix est-il possible ?

Malgrè : la volonté de puissance, la soif de destruction, la pulsion de mort, les chants de la séduction, la peur des autres ; toutes ces voix qui parlent en moi depuis Freud et sa tentative de colonisation des cerveaux humains.

L’écrit permet plus facilement de dissocier toutes ces voix pour retrouver un être libre en soi qui pourrait parler.

Et c’est là peut-être que l’on peut adhérer à la thèse de Kant sur la liberté qui réduit à peu ce qu’il est raisonnable d’espérer en ce domaine. [critique de la raison pratique]. L’homme n’est pleinement libre de ses actes que lorsqu’il est en adéquation avec la loi morale. Et il postule que nous la connaissons tous car nous sommes tous très habiles à critiquer les autres. Mais Machiavel met en garde celui qui voudrait faire profession d’être homme de bien et purement vertueux, dans un monde où personne d’autre n’a fait ce choix ; ses chances de survie sont faibles. Il faut, selon lui, savoir faire le mal en exerçant son libre arbitre, au risque de conséquences inconnaissables; les échecs nous apprennent les limites, nous apprenons à essayer d’être libres, quelles que soient les conditions.

La tête remplie des stéréotypes construits pour canaliser ma haine, ma colère, ma jalousie, mes désirs, mes rêves, mes peurs ; en guerre contre les A ou les B ; je ne suis plus libre. Si j’essaie de faire attention aux autres, à ne pas trop les heurter, les mépriser, les malmener, je gagne peut-être un peu de liberté.

Liberté relative et négociée avec les autres, liberté réciproque négociée et non absolue.

Tolérance – disconnexions – notion de sacré.

hiérarchisation différente des valeurs. Nous n’accordons pas tous la même importance aux mêmes choses. nous ne voulons pas tous les mêmes libertés. Nous ne voulons pas une liberté définie par les autres, qui serait absence de liberté. La notion d’autonomie chez les Grecs implique cette capacité à se donner soi-même des lois [Castoriadis] ce qui semble s’opposer à ce que la loi soit la même pour tous. Ou peut-être faut-il une loi qui soit assez souple pour laisser chacun négocier des tolérances qu’il lui faudra « payer » d’une manière ou d’une autre. Dans le modèle ultra-libéral, on s’approche de ça. je dois me soumettre, renier tout ou partie de ma liberté pour avoir les moyens et le temps et les conditions d’exercer ma liberté. Même l’héritier qui semble n’avoir rien fait pour mériter sa fortune doit bien un peu se plier aux exigences de sa famille pour jouir un peu de sa fortune.

Rien n’est gratuit dans ce modèle. Et rien n’est jamais acquis non plus. Athéisme sans espérance auquel s’oppose l’idéal Kantien. Ou l’amour universel du surréalisme. Aimer les autres tels qu’ils sont, et les laisser libres d’être, de changer ; ne pas les enfermer dans une définition qui nous arrange.


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