C’est ma première grande fresque en solo, réalisée au printemps 2019 à Saint M’hervé, près de Vitré, pour l’entreprise « Rebel Soul Racers«
Je ne vais pas prétendre que je suis né dans la rue avec une spray dans la main. j’ai plutôt fait un chemin classique au début, mais je noirciçais les marges de mes cahiers avec des lettrages inspirés graff. Et j’ai toujours regardé ce mouvement avec au moins autant de bienveillance et souvent plus d’enthousiasme que les productions de l’art contemporain. Je n’ai pas eu envie de me mettre au muralisme parce que c’est à la mode ou rentable.
L’aventure de cette fresque a commencé en juillet 2018. J’avais déjà fait quelques peintures murales, dont une fresque participative près du moulin logeais à rennes. J’ai commencé à faire un peu de collages dans la rue en 2015, avec mon pote Clarsix et mes fleurs en diamant. C’est du streetart, mais je ne les ai pas peintes dans la rue, sur le mur, mais dans ma zone de confort relatif.
En juillet 2018, j’étais invité par un ami, Jean Louis, pour les 24 heures du Mans classic. J’avais l’intention de dessiner. J’ai toujours aimé les belles voitures un peu sportives. Là, il y avait pléthore de beaux modèles à dessiner et je me suis fait plaisir, dessinant des lotus, lamborghini, ferrari, jaguar, et autres .. On était au camping, avec un ami à lui, Nigel. Par sa famille, ce dernier est membre du Jensen Owners’ Club et on dans ce coin là, avec un accès à tous les paddocks.
C’est un truc de fou ce camping, l’inverse de la circulation normale avec une voiture utilitaire pour cent et que des voitures de collection à l’horizon. Mais ça sent quand même le ricard, la bière, le barbecue. On sympathise bien avec Nigel et j’ai l’impression qu’il aime bien mes petits dessins. Je lui en offre un de la triumph Tr250 avec laquelle il est venu. Il me parle alors de son projet RSR. Il a récupéré il y a quelques années la Jensen Healey de son père. Il l’a remise en état de marche et il a commencé à s’intéresser plus à tout ça. Comme il n’y avait pas grand monde pour l’aider en France, vu la faible diffusion de ce modèle ici à l’époque, il a fait appel à son frère et quelques amis en Angleterre. Il s’est dit qu’il fallait faire quelque chose pour ce modèle qui s’est mal vendu à l’époque malgré d’indéniables qualités. Il m’explique qu’il a commencé à acheter quelques Jensen Healey en état plus ou moins dégradé et qu’il veut faire un business pour les vendre remises au goût du jour, personnalisées selon les demandes.
Il a un lieu, pour faire un atelier et un showroom, mais qui n’est pas encore aménagé, et tout un concept autour de “Jensen Healey Experience”. Il me dit que ça l’intéresserait peut-être d’avoir une fresque dans la partie show room. Je lui dit que ça me tente bien parce que j’ai de plus en plus envie de sortir du cadre de mes petits dessins pour libérer un peu mes énergies. J’ai envie de faire des grands murs et j’aime bien dessiner les voitures. On décide de se revoir un peu plus tard parce qu’il a quelques trucs à préparer encore avant.
Pendant l’hiver, je passe visiter son atelier, dans la campagne vitréenne, et je fais quelques croquis. On parle du projet et on part sur une ambiance “le Mans, années 70”, et il veut aussi la voiture de son frère et celle de ses parents. Je m’aide un peu de google pour trouver des images de l’époque, et aussi Michel Vaillant. Je lui propose assez vite une première esquisse. La composition d’ensemble lui plaît mais il me demande de changer quelques voitures pour mettre en valeur les modèles qui sont déjà passés dans son atelier.. J’enlève la mustang et les ferrari, pour mettre plutôt des lotus et des triumph derrière les Jensen Healey.. J’arrive quand même à caser une E9.. parce que y’en a une qui traîne dans la cave chez une copine, mais elle va continuer à prendre la poussière.
Perso, j’ai toujours pas les moyens d’avoir une voiture, et c’est un des problèmes pour réaliser cette fresque parce que c’est loin dans la campagne. Heureusement une amie, Marine, va me prêter sa petite Yaris que j’ai fini par apprécier même si j’avoue j’aurais jamais acheté ça.
On démarre le chantier en mars 2019. En entrée : 130 mètres carré de plafond, brut de placo, à 6 mètres de haut. Heureusement, il y a la nacelle. Ponçage, apprêt, 2 couches. 1 semaine de 70 heures plus les trajets.. Ensuite, le mur pour la fresque à préparer. C’est du parpaing brut. Les joints verticaux sont même pas faits. Une semaine de prépa : enduit, blanc,enduit, blanc, sur 70 mètres carré. J’aurais du passer encore un ou deux jours pour peaufiner, mais je saurais pour la prochaine fois. Ensuite, le tracé – à la perche, avec une grosse mine graphite. En gros, les proportions, la composition d’ensemble. Ensuite, on rend la nacelle et je dois faire avec un échafaudage un peu branlant. Des racks métalliques d’usine masquent la partie du mur la plus proche de l’entrée. Je peux monter dessus, mais j’ai mal préparé parce que ça devait rester caché et j’ai un peu galéré parce que je n’avais pas de recul et certains trucs ont été fait à moitié à l’aveugle parce que le plateau était au milieu. Le haut du mur aussi, j’ai un peu négligé la préparation. Je m’étais dit que ça se verrait moins, mais dans l’esquisse c’est la partie où il y a le plus de détails. Le début a donc été très laborieux et très peu lisible d’en bas.
J’avais l’impression de ne pas avancer et Nigel commençait à me faire peur à vouloir rajouter des tas de détails et à avoir un regard très critique. Peut-être aussi avait-il peur que je n’y arrive pas, que je ne tienne pas les délais. Heureusement Kevin et Didier m’ont montré un grand enthousiasme et j’ai arrêté de douter. Didier est associé au projet dès le début. Il fait de la démolition et c’est lui qui a ramené tous les éléments issus de l’usine de la barre Thomas.
Un jour, Didier est resté tout l’aprème et il a fini par décider d’enlever une partie des racks pour qu’on voie mieux la partie que j’avais fini avec la béhème et la mk2. Après, il est resté un long moment à regarder, sans rien dire. Kevin aussi, qui file un coup de main sur les voitures a commencé à regarder avec plus de sourires. Les voisins qui sont passés.. Quand les 3 voitures du premier plan ont été finies, ça commençait à ressembler à quelque chose. Au fond sur la plateforme j’ai fait la château de Vitré avec une route qui serpente devant. Là, j’ai vu que certains étaient même émus.
Mais il a fallu s’arrêter pour finir toute la partie déco. Les autres murs en gris industriel, le faux plafond au dessus de la plateforme, tous les petits détails. Hugo est revenu de son stage et nous a filé un coup de main pour tout ça. Une fois fini tout ça on a pu démonter l’échafaudage pour le remonter dans l’escalier de la plateforme et attaquer la dernière partie de la fresque.
Il me restait alors 10 jours pour finir les tribunes, les stands et la voiture de ses parents. Je ne les ai jamais vus en vrai, donc à partir des vieilles photos en noir et blanc, j’ai fait ce que j’ai pu. J’ai fini dans la nuit du jeudi au vendredi, vers 4 heures du matin. Il leur restait le ménage à faire avant l’inauguration du samedi. Beaucoup de monde, un défilé de belles voitures, du très bon champagne et un spectacle à l’américaine pour ouvrir officiellement le club… et tout le monde a admiré mon travail, m’a fait des compliments, posé des questions… mais j’étais complètement HS. Je suis parti assez tôt sans avoir bu grand chose. Le lendemain j’ai rendu la voiture à ma pote Marine. Et j’ai passé 2 semaines à kiffer avec les amis que j’avais pas eu le temps de voir pendant 3 mois. Heureux d’avoir rempli la mission.
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