Encore une fois, il s’agit d’un événement organisé par l’association art2rennes à un moment où je n’était plus membre du bureau. J’ai payé ma place en tant que simple adhérent, j’ai fait ma part des tâches collectives comme tout le monde, je n’ai pas eu de privilège pour choisir mon emplacement ou quoi. On avait demandé pour faire une petite peinture dans un couloir. On est dans la phase 2 de l’Hôtel à projets Pasteur, pas l’époque Sophie Ricard où c’était moins normé. Là tout a été refait, tout est propre, mais il reste quand même quelques murs « en l’état » et des recoins peu accessibles au public. On nous propose de faire une peinture dans l’escalier annexe situé à l’angle Sud-Est du bâtiment. On ne nous a demandé ni esquisse préalable ni même une note d’intention. On voulait faire une collab avec Souljahdom, avec une de mes fleurs diamants et un de ses pochoirs de femmes. La fleur c’est toujours une forme de sensualité, la rose particulièrement, suave, capiteuse, sucrée. Le diamant est aussi souvent un symbole d’amour, mais aussi de préciosité ; on peut y voir aussi le signe d’une harmonie de la nature jusque dans ses profondeurs les plus obscures. Dom avait récemment découpé un pochoir qui n’était pas forcément destiné à être publié sur les murs publics, où une femme pose nue, jambes ouvertes, un regard de défi. Pas une femme soumise, mais plutôt une femme qui sait se servir de ses appâts naturels pour manier les hommes. Les deux ensemble, ça a fait exploser les alarmes des dirigeantes de l’établissement, qui nous ont immédiatement convoqué dans leur bureau comme des collégiens fautifs. Leçon de morale sauce woke. Perso, je ne pense pas être un Macho ou un suppôt du patriarcat alors me faire accuser de ça me fait gentiment rigoler. Mais du coup les patronnes d’art2rennes elles ont fait copines avec les patronnes de l’établissement pour nous lapider gentiment par derrière. On a quand même eu aussi quelques réactions de soutien, au nom de la liberté d’expression. Franchement, il y a des pubs pour les shampoings qui en montrent beaucoup plus (voire pour des bagnoles ou des ordinateurs) étant donné que le pochoir n’est pas non plus comme un document photographique permettant d’identifier catégoriquement une personne. Cette image risquant de provoquer une gêne, un malaise chez les femmes qui ne peuvent plus supporter de « subir la sexualisation permanente du corps de la femme » ne pouvait être tolérée dans un lieu qui se veut « ouvert à tous » et qui prétend être un lieu d’expérimentations artistiques dévolu à la liberté d’expression (ce qu’il était à l’époque où l’architecte Sophie Ricard en assurait la gestion). Notre œuvre a donc été gravement mutilée : une grande feuille de papier alu (environ 80 par 40 cms venant couvrir l’entrejambe, et un trait noir de quelques centimètres d’épaisseur aveuglant le regard de la personne représentée. Nous voulions dire quand même notre amour pour la beauté des femmes, mais c’est désormais interdit. En même temps je peux comprendre leur rejet de cette image de la femme-objet du désir masculin, mais ce n’est pas vraiment ce que nous avons produit car ce n’est pas vraiment ce que nous connaissons. Je me suis dit aussi qu’elles auraient pu utiliser cette image portant à controverse comme un support pour opérer des médiations et amener justement le public à dévoiler ou déconstruire ses a priori sur la question. En quelque sorte j’ai envie de dire merci à Marcel et je crois que nous avons produit une bonne « pissotière », nous avons réussi à provoquer une réaction et il n’y a rien de pire pour une œuvre d’art que de susciter l’indifférence.


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